
Guerre Iran-Israël: Trump face au danger d'une implication à long terme

En bombardant l'Iran, Donald Trump a dit entrevoir une opération chirurgicale de courte durée, loin de toute idée d'engager les Etats-Unis dans ce qui serait une nouvelle guerre prolongée au Moyen-Orient.
Mais après une première riposte iranienne, qui a lancé lundi des missiles contre une base américaine au Qatar, la question se pose de savoir si les Etats-Unis ne seront pas entraînés, malgré eux, dans une spirale de conflit dans la durée.
L'Iran a tiré des missiles contre la base aérienne d'Al-Udeid, qui ont été abattus, deux jours après que les Etats-Unis ont bombardé les principaux sites nucléaires iraniens dans le cadre d'une campagne militaire menée par Israël depuis le 13 juin.
Le président américain s'est empressé de qualifier cette riposte de l'Iran de "très faible", disant que les Etats-Unis s'y attendaient et remerciant même Téhéran d'avoir prévenu au préalable afin d'éviter les "pertes de vies".
Mais le président américain souffle le chaud et le froid depuis des jours, appelant tantôt à une "reddition inconditionnelle" de l'Iran ou encore en suggérant un changement de régime à Téhéran, faisant craindre une implication plus durable.
Les frappes américaines ont été "incroyablement réussies" sur le plan tactique, dit Stacie Pettyjohn, du Center for a New Americain Security (CNAS), mais "il n'est pas certain qu'elles aient réellement atteint les objectifs opérationnels ou stratégiques".
"A ce stade, nous ignorons plus de choses que nous n'en savons", renchérit Daniel Poneman, du Council on Foreign Relations (CFR), au sujet notamment de l'uranium enrichi à 60%.
L'Iran a enrichi de l'uranium au niveau de 60%, proche du seuil de 90% requis pour fabriquer une bombe atomique selon l'AIEA, mais est soupçonné d'avoir déplacé ces stocks hors des sites visés par les frappes américaines à Fordo, Natanz et Ispahan, que Washington assure avoir détruits.
L'Iran dispose aussi de nombreuses autres options pour réagir, notamment en menaçant les prix mondiaux du pétrole par des actions dans le détroit d'Ormuz, ou en faisant intervenir ses mandataires dans la région.
- "MIGA" -
"Le Moyen-Orient est un théâtre où les succès militaires américains, qui remontent à la première guerre du Golfe, se sont souvent révélés plutôt éphémères et ont conduit à des engagements à long terme en termes de forces américaines pour maintenir la stabilité après ce succès initial", relève Mme Pettyjohn.
Donald Trump a fait campagne en se présentant comme un anti-guerre et, le mois dernier, il a prononcé un discours à Ryad dans lequel il a dénoncé les "bâtisseurs de nations" qui ont échoué en "intervenant dans des sociétés complexes qu'ils ne comprenaient même pas eux-mêmes".
Mais le président américain a rapidement soutenu Israël après le succès apparent des premières frappes contre l'Iran, alors même qu'il avait publiquement exhorté le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu à attendre et à donner une chance à la diplomatie.
Depuis lors, et malgré les critiques de certains membres de sa base de droite qui détestent l'interventionnisme américain, il a durci le ton.
Il a exhorté les quelque 10 millions d'habitants de Téhéran à évacuer, exigé une "reddition inconditionnelle" de l'Iran, et pour mieux évoquer les avantages d'un changement de régime, reformulé son slogan, "Make America Great Again", pour dire "Make Iran Great Again" ("Rendre à l'Iran sa grandeur").
Les Etats-Unis et Israël ont sans doute fait reculer le programme nucléaire iranien, mais reste à savoir si Téhéran est prêt à un accord contraignant, souligne pour sa part Max Boot, également du Council on Foreign Relations.
Si l'Iran ne le fait pas, il y a le risque d'une "sorte de guerre perpétuelle", "où à chaque fois que l'on détectera une avancée dans leur programme nucléaire, les avions israéliens finiront par devoir bombarder à nouveau", dit-il lors d'un débat lundi.
Son collègue, Ray Takeyh, estime lui que "les dirigeants du pays et le régime ne sont pas suffisamment soudés pour pouvoir entamer des négociations à ce stade, où d'un point de vue américain la conclusion est prédéterminée, à savoir l'enrichissement zéro", ce qui équivaudrait à une capitulation.
A.Rastelli--INP