
Tennis: Jannik Sinner, un "gars normal" au talent féroce

Sobre dans la victoire et dans l'adversité, le N.1 mondial Jannik Sinner aime se décrire comme un "gars normal", loin de l'image d'extraterrestre que renvoie son palmarès impressionnant à 23 ans.
Ce fils d'un cuisinier et d'une serveuse, qui a grandi dans la région germanophone du Haut-Adige (nord-est de l'Italie), le répète à longueur d'interviews: "le succès ne m'a pas changé, je suis un gars normal".
Il ne faut pas chercher un mot de trop ou une émotion incontrôlée chez ce grand champion au sang froid, aussi implacable sur les courts que lisse en dehors.
"C'était un match difficile contre un adversaire difficile", rabâche-t-il généralement après chaque match, peu importe s'il a bataillé en cinq sets ou concassé sa proie en une heure chrono.
"J'essaie toujours de ne pas marcher la tête trop haute quand je gagne et de ne pas me laisser abattre quand je perds", a-t-il résumé l'an dernier auprès du quotidien La Stampa.
Le tout frais vainqueur de Wimbledon a gardé ce cap-là malgré les remous d'un contrôle positif au clostebol, une substance interdite, en mars 2024.
S'il a martelé son "innocence" tout au long de l'affaire, Sinner a aussi sagement reconnu après l'annonce de sa suspension pour trois mois que "les règles strictes" de l'Agence mondiale antidopage étaient "une protection importante pour le sport que j'aime".
Une réaction sans effusion caractéristique chez le premier joueur de tennis italien de l'histoire à être devenu N.1 mondial.
- "Pas parfait" -
En janvier à l'Open d'Australie, alors qu'il s'apprêtait à décrocher un deuxième titre d'affilée, le longiligne droitier aux cheveux roux avait déjà réfuté tout sentiment d'invincibilité: "j'ai seulement 23 ans et je ne suis pas parfait".
"J'essaie de rester calme, de ne jamais rien prendre pour acquis. Honnêtement, je suis juste bien préparé. Devenir meilleur passe par une routine quotidienne. C'est tout", a poursuivi l'Italien le plus titré de l'histoire en Grand Chelem (quatre sacres).
"Je sais qu'il n'a que 23 ans mais, parfois, j'ai l'impression qu'il est beaucoup plus âgé et beaucoup plus sage que nous tous", s'est amusé son entraîneur Darren Cahill.
S'il n'avait pas flashé pour la balle jaune, petit, Sinner aurait sans doute pu être champion de ski alpin. Né le 16 août 2001 à San Candido, dans les Dolomites, il a dévalé ses premières pistes à l'âge de trois ans.
C'est une dizaine d'années après que le tennis, longtemps un simple passe-temps pour un gamin plein d'énergie, prend le dessus sur une discipline qui, avec sa saison courte, n'étanche pas sa soif de compétition. Il se prend de passion pour le héros local Andreas Seppi, 18e mondial en 2013, et surtout pour Roger Federer.
Grand pour son âge, endurant, Sinner est vite identifié comme un joueur au fort potentiel.
Sous la houlette de Riccardo Piatti, ancien entraîneur de Richard Gasquet et Milos Raonic, l'adolescent marque ses premiers points ATP en 2018 et s'extrait l'année suivante des qualifications de l'US Open pour disputer son premier tournoi majeur.
- Plus famille que réseaux sociaux -
Vainqueur en 2020 de son premier titre sur le circuit principal, un ATP 250 à Sofia, il commence à séduire le grand public italien par sa simplicité, son éthique de travail et les... carottes qu'il mange aux changements de côté.
Installé dans le top 20 mais frustré par ses résultats en Grand Chelem, Sinner met fin à sa collaboration avec Piatti début 2022.
Il passe un nouveau cap sous la direction de son compatriote Simone Vagnozzi et de l'Australien Darren Cahill en frappant encore plus fort et en asphyxiant ses adversaires.
Depuis novembre 2023, il collectionne les trophées: deux Coupes Davis avec l'Italie, les Finales ATP en 2024 et les titres en Grand Chelem... Jusqu'à grimper en juin 2024 sur le trône de N.1 mondial, qu'il n'a plus quitté depuis.
Adulé en Italie, qui ne lui reproche même plus d'être résident monégasque ou d'être plus à l'aise en allemand qu'en italien, Sinner est très attaché à sa famille et peu présent sur les réseaux sociaux.
C'est "le fils ou le gendre que tout le monde aimerait avoir", pour le président de la Fédération italienne Angelo Binaghi.
D.Ricci--INP