
Loi contre la déforestation: Bruxelles veut un nouveau report

Au grand dam des organisations environnementales, la Commission européenne a proposé mardi de reporter d'un an supplémentaire, de fin 2025 à fin 2026, l'entrée en vigueur de sa loi contre la déforestation, que les Etats-Unis, le Brésil ou l'Indonésie ne cessent de critiquer.
Devant la presse, la commissaire européenne en charge de l'Environnement, Jessika Roswall, a justifié ce délai par les difficultés opérationnelles du "système informatique" qui collecte les données des entreprises sur la traçabilité de leurs produits.
Cette loi vise à interdire la commercialisation en Europe de produits comme l'huile de palme, le cacao, le café, le soja et le bois quand ils proviennent de terres déboisées après décembre 2020.
L'annonce de Bruxelles suit de quelques heures la conclusion d'un accord de libre-échange avec l'Indonésie, très critique envers cette législation européenne anti-déforestation.
Cette loi était également dénoncée par les Etats-Unis de Donald Trump, qui ont scellé un accord commercial avec l'UE fin juillet.
La proposition de report va être soumise aux Etats membres et au Parlement européen, où elle pourrait obtenir le soutien de la droite et de l'extrême droite.
Elle est perçue par les organisations environnementales comme un nouveau "coup de tronçonneuse" dans les forêts.
"C'est une très mauvaise surprise", a réagi auprès de l'AFP Anke Schulmeister - Oldenhove de l'ONG Fonds mondial pour la nature (WWF). "C'est le deuxième report" et l'argument technique invoqué "pose question".
Au Parlement européen, l'eurodéputé centriste, Pascal Canfin, est lui aussi "très loin d'être convaincu qu'il y a un problème technique".
Si ce possible report "n'est pas lié à la technique alors il est lié aux accords commerciaux", et en particulier celui avec les Etats-Unis, avance-t-il, avant de dénoncer une "soumission européenne" aux volontés de Donald Trump.
- "Très engagés" -
En 2024, l'UE avait déjà reporté d'un an l'entrée en vigueur de cette loi qui suscite une levée de boucliers des milieux d'affaires de l'agrobusiness et de nombreux Etats africains, asiatiques et américains.
Au sein des 27, plusieurs pays européens poussaient aussi pour réviser ou reporter cette législation, dont l'Italie et l'Autriche, critiquant les "exigences imposées aux agriculteurs et sylviculteurs élevées voire impossibles à mettre en oeuvre".
Ces Etats plaident pour créer une catégorie de pays à risque nul en matière de déforestation et qui pourraient être exemptés d'obligations et de contrôles. Le ministre allemand de l'Agriculture, Alois Rainer, leur avait apporté son soutien en mai dernier.
Avec cette loi, les entreprises importatrices devront prouver que les produits ne proviennent pas de terres déboisées récemment, via des données de géolocalisation fournies par les agriculteurs, associées à des photos satellitaires, une "usine à gaz" selon ses détracteurs.
Mardi, la commissaire européenne Jessika Roswall a évoqué des difficultés informatiques "étant donné la quantité d'informations que nous mettons dans le système", avec des centaines de millions de déclarations d'entreprises attendues chaque année.
Mais elle a assuré que Bruxelles continuerait à défendre cette loi.
"Nous avons travaillé dur pendant de nombreuses années" sur ce texte, "une initiative clé", et "nous restons très engagés à continuer à lutter contre la déforestation", a-t-elle affirmé.
Confrontée à la concurrence chinoise et à la hausse des droits de douane aux Etats-Unis, l'Union européenne a entamé un virage pro-business ces derniers mois.
Et les ONG s'alarment d'un détricotage en règle du Pacte vert, le "Green Deal", une série de lois environnementales adoptées pendant le précédent mandat.
Le contexte politique a changé depuis les élections européennes de juin 2024 avec le renforcement de la droite et la poussée de l'extrême droite au Parlement européen.
La gauche et les écologistes redoutent notamment que l'Union européenne revienne sur l'une des mesures emblématiques du précédent mandat: l'interdiction à la vente des voitures thermiques neuves en 2035.
C.Albano--INP