 
                Soudan: les paramilitaires disent avoir arrêté des combattants soupçonnés d'exactions
 
                Les paramilitaires soudanais des Forces de soutien de rapide (FSR) affirment avoir arrêté plusieurs de leurs combattants soupçonnés d'exactions lors de la prise d'El-Facher, grande ville du Darfour où l'ONU s'alarme d'une propagation des violences au Kordofan voisin.
Après 18 mois de siège, les FSR ont pris dimanche El-Facher, dernière grande ville du Darfour (ouest) qui échappait encore à leur contrôle et où les témoignages et informations sur des violences meurtrières contre les civils se multiplient depuis.
Pour tenter de calmer le jeu, le chef des FSR, Mohamed Daglo, a annoncé l'ouverture d'enquêtes sur les agissements de certains paramilitaires, avant que ne tombe tard jeudi l'annonce d'arrestations.
"En conformité avec les ordres de la hiérarchie et dans le respect de la loi, des règles d'engagement et de la discipline en temps de guerre, nos forces ont arrêté plusieurs individus (de nos forces) accusés d'exactions commises lors de la libération d'El-Facher", ont indiqué les FSR dans un communiqué.
- Exactions sur TikTok -
Les paramilitaires ont précisé avoir écroué un combattant surnommé Abou Loulou vu en train d'exécuter des personnes non armées dans plusieurs vidéos dont l'authenticité a été confirmée.
L'AFP a identifié Abou Loulou dans des vidéos de son compte TikTok où il se targue de meurtres lors de l'offensive des FSR. Sur l'une d'elles, il ouvre le feu sur plusieurs personnes. Dans une autre, il apparaît avec des hommes armés devant des dizaines de cadavres.
Les FSR ont diffusé une vidéo montrant Abou Loulou dans ce qu'elles disent être une prison au Darfour, en précisant qu'il sera jugé.
Depuis dimanche, nombre de vidéos circulent sur les réseaux sociaux montrant des hommes vêtus de l'uniforme des FSR perpétrant des exécutions sommaires à El-Facher, les paramilitaires affirmant que plusieurs de ces enregistrements ont été "fabriqués" par des sites liés à l'armée.
Emtithal Mahmoud, une poétesse originaire de cette ville et établie aux Etats-Unis, a indiqué avoir reconnu la dépouille de sa cousine dans une de ces vidéos.
"Dans la vidéo partagée par ses assassins, les FSR, on voit son cadavre par terre. Et on entend un des FSR dire: 'Lève-toi si tu peux'. Ils se moquent de son corps et c'est une autre forme de torture", témoigne la femme de 32 ans.
- "L'horreur se poursuit" -
"L'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a déclaré jeudi devant le Conseil de sécurité de l'ONU le chef des opérations humanitaires onusiennes Tom Fletcher parlant d'"informations crédibles d'exécutions de masse".
Plus de 36.000 civils ont fui depuis le 26 octobre El-Facher, où quelque 177.000 personnes sont encore piégées d'après l'ONU.
Des organisations humanitaires craignent des exactions à caractère ethnique comme celles perpétrées au début des années 2000 au Darfour par les milices arabes Janjawids, dont sont issues les FSR.
Le Humanitarian Research Lab de l'Université américaine Yale (HRL), qui analyse des vidéos et des images satellite, a conclu ces derniers jours à "un processus systématique et intentionnel de nettoyage ethnique, des déplacements forcés et des exécutions massives".
- Vers le Kordofan -
Après plus de deux ans de guerre entre soldats et paramilitaires, l'armée du général Burhane contrôle l'est et le nord du Soudan, dont les villes du Port-Soudan et Khartoum, tandis que les FSR ont désormais fait main basse, depuis la prise d'El-Facher, sur tout le Darfour (ouest).
La région du Kordofan (sud), située sur la route entre le Darfour et Khartoum, reste le théâtre de vifs affrontements. "La tuerie n'est pas limitée au Darfour", a alerté jeudi M. Fletcher, s'inquiétant notamment de la situation dans cet Etat où "des combats féroces" provoquent "de nouvelles vagues de déplacement".
Là-bas, des informations font état "d'atrocités à grande échelle" des FSR dans la ville de Bara récemment prise par ces paramilitaires, a dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.
D'après l'ONU, les violences ont forcé le déplacement d'au moins 35.000 personnes au Kordofan et fait une cinquantaine de morts ces derniers jours.
Les pourparlers en vue d'une trêve menés depuis plusieurs mois par un groupe réunissant les Etats-Unis, l'Egypte, les Emirats arabes Unis et l'Arabie saoudite sont dans l'impasse, selon un responsable proche des négociations.
La guerre au Soudan, qui fait aussi craindre la séparation du pays déjà amputé du Soudan du Sud en 2011, se joue sur fond de rivalités régionales.
Les FSR ont reçu armes et drones des Emirats arabes unis d'après des rapports de l'ONU, tandis que l'armée bénéficie de l'appui de l'Egypte, de l'Arabie saoudite, de l'Iran et de la Turquie, selon des observateurs. Tous nient toute implication.
Q.Bernardi--INP
 
                         
                        