Soudan: plus de 460 morts dans une maternité à El-Facher, selon l’OMS
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a réclamé mercredi un "cessez-le-feu" au Soudan, après des informations sur le meurtre de plus de 460 personnes dans une maternité à El-Facher, ville clé du Darfour prise dimanche par les paramilitaires.
Le pouvoir au Soudan a pour sa part accusé les Forces de soutien rapide (FSR, paramilitaires) d'avoir ciblé les mosquées et le Croissant-Rouge à El-Facher, lors de leur prise de cette ville où "les massacres continuent" selon des images satellite analysées par le Humanitarian Research Lab (HRL) de l'université Yale.
L'OMS "est consternée et profondément choquée par les informations faisant état du meurtre tragique de plus de 460 patients et accompagnateurs à la maternité saoudienne d'El-Facher, à la suite des récentes attaques et de l'enlèvement de travailleurs de la santé", a-t-elle indiqué sur X.
Dans un communiqué mardi, des militants pro-démocratie avaient accusé les FSR d’avoir tué des blessés qui recevaient des soins dans l’hôpital où se trouve cette maternité.
Mardi, cinq bénévoles soudanais du Croissant-Rouge ont été tués à Bara, ville du Kordofan-Nord tenue par les FSR depuis samedi, selon la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.
La Croix-Rouge s’est dite "profondément choquée par les informations croissantes des médias, des sources publiques et des témoignages directs sur les atrocités horrifiantes et les souffrances immenses" des habitants d'El-Facher.
"Plus de 2.000 civils ont été tués au cours de l'invasion de la milice (des FSR) à El-Facher, ciblant les mosquées et les volontaires du Croissant-Rouge", a pour sa part affirmé Mona Nour Al-Daem, chargée de l'aide humanitaire au gouvernement pro-armée.
Le passage frontalier d'Adré entre le Soudan et le Tchad "a été utilisé pour introduire des armes et du matériel pour les milices", a-t-elle ajouté lors d'une conférence de presse à Port-Soudan (est), siège actuel du pouvoir.
Les autorités à Port-Soudan ont décidé d'expulser les deux principaux responsables du Programme alimentaire mondial (PAM) dans le pays, sans donner de raisons, a annoncé l'organisation en précisant avoir pris contact avec les autorités pour dénoncer cette décision.
- Maîtres du Darfour -
Après la prise d'El-Facher dimanche à leurs rivaux, l'armée du général Abdel Fattah al-Burhane, les FSR contrôlent désormais l'ensemble du Darfour, vaste région de l'ouest du Soudan couvrant le tiers du pays.
Selon un rapport du Humanitarian Research Lab, les images satellite "corroborent des preuves que les massacres ont continué dans les 48 heures ayant suivi la prise par les FSR" d'El-Facher, incluant des exécutions près de deux hôpitaux, dont le saoudien, et des "tueries systématiques" sur les talus de fortification à l'est de la ville.
Les communications satellite restent coupées -sauf pour les FSR qui contrôlent le réseau Starlink-, les accès d'El-Facher restent bloqués malgré les appels à ouvrir des corridors humanitaires. Dans ce contexte, il est extrêmement compliqué de joindre des sources locales indépendantes.
Depuis dimanche, plus de 33.000 personnes ont fui les violences, majoritairement vers la périphérie d'El-Facher et vers Tawila, cité située à 70 km plus à l'ouest et qui était déjà la plus importante zone d'accueil du Soudan, selon l'ONU, avec plus de 650.000 déplacés.
De rares images de l'AFP en provenance de Tawila montrent des déplacés portant leurs affaires sur leur dos ou sur leur tête. Certains montent des tentes, d'autres, parfois blessés, sont assis dans des conditions précaires.
- Pourparlers dans l'impasse -
Depuis la chute d'El-Facher après 18 mois de siège, les accusations d'exactions -nourries par des flux de vidéos violentes sur les réseaux sociaux-se sont multipliées contre les combattants des FSR.
Le Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'homme alertait déjà lundi sur le "risque croissant d'atrocités motivées par des considérations ethniques" en rappelant le passé du Darfour, ensanglanté au début des années 2000 par les massacres, les viols et les razzias des milices arabes Janjawid dont sont issues les FSR.
L'Union européenne a dénoncé la "brutalité" des paramilitaires et le ciblage "ethnique" de civils, après le "tournant dangereux" de la prise d'El-Facher.
Commandées par le général Mohamed Daglo, les FSR, qui ont installé au Darfour une administration parallèle, contrôlent désormais l'ouest du Soudan et certaines parties du sud, avec leurs alliés. L'armée contrôle le nord, l'est et le centre du troisième plus vaste pays d'Afrique, ravagé par plus de deux ans de guerre.
Les experts craignent à la fois une nouvelle partition du Soudan et un retour des massacres des années 2000. Les combats se concentrent maintenant sur la région stratégique du Kordofan (sud), voisine du Darfour, avec notamment la ville d'el-Obeid, encerclée par les FSR.
Les pourparlers menés depuis plusieurs mois par le groupe dit du "Quad", qui réunit les Etats-Unis, l'Egypte, les Emirats arabes Unis et l'Arabie saoudite, sont restés dans l'impasse, selon un responsable proche des négociations.
Leurs propositions de trêve se heurtent, selon lui, "à l'obstructionnisme continu" du pouvoir d'al-Burhane, qui a refusé en septembre une proposition prévoyant à la fois son exclusion et celle des FSR de la transition politique post-conflit.
E.Danieli--INP