
Le gouvernement Lecornu 2 s'installe, pour combien de temps?

Le deuxième gouvernement de Sébastien Lecornu, mêlant ministres politiques et techniciens, s'installe lundi mais pour combien de temps ? L'objectif du Premier ministre est d'éviter une censure possible dès cette semaine si il n'annonce pas aux socialistes une suspension de la réforme des retraites.
Après des passations de pouvoir que Matignon a souhaité "sobres", sans presse ni invités, le chef du gouvernement réunira ses nouveaux ministres à à 14H30 Matignon, où il livrera quelques mots d'introduction pour marteler sa priorité de "donner un budget à la France d'ici la fin de l'année" et d'essayer de sortir le pays d'une crise politique inédite.
Un premier Conseil des ministres doit se tenir mardi matin à l’Elysée. Le gouvernement y présentera les deux projets de budget, de l’Etat et de la Sécurité sociale, afin qu'ils puissent être transmis dans les temps au Parlement.
Parallèlement, la commission des Finances de l'Assemblée nationale, présidée par le député LFI Eric Coquerel, commencera ses auditions.
L'objectif est de garder le déficit en dessous des 5% du PIB, au lieu des 4,7% initialement prévus, selon la nouvelle porte-parole du gouvernement Maud Bregeon. Cet assouplissement laisse une marge de 9 milliards d'euros pour éventuellement satisfaire les demandes des oppositions.
L'heure de vérité sera la déclaration de politique générale que le Premier ministre a prévu de prononcer mardi à 15H. Les socialistes y attendent notamment la suspension "immédiate et complète" de la réforme des retraites de 2023.
- Corde raide -
Démissionnaire en début de semaine dernière, reconduit vendredi au terme d'une mission éclair auprès des forces politiques, Sébastien Lecornu est sur une corde raide.
Depuis l'Egypte, où il assiste au sommet sur Gaza, Emmanuel Macron a appelé les forces politiques à "se ressaisir" et à "oeuvrer à la stabilité", au lieu de "faire des paris sur l'instabilité" dans une allusion à ceux qui espèrent une dissolution de l'Assemblée ou une présidentielle anticipée.
Lors d'une réunion avec les chefs de partis vendredi, le président de la République avait esquissé une concession, ouvrant la voie un décalage dans le temps de "la mesure d'âge" de départ à la retraite (passage progressif à 64 ans), symbole de son deuxième quinquennat.
Mais ce geste reste insuffisant aux yeux de la gauche, qui veut à la fois une suspension de la mesure d'âge légal et de l'accélération de la hausse du nombre de trimestres cotisés. Sur ce point, les socialistes vont plus loin que la CFDT, dont la priorité est de "figer l'âge légal" selon sa patronne Marylise Léon.
Sébastien Lecornu a présenté dimanche soir tard une équipe composée de nouveaux visages: huit de la société civile et 26 issus de forces politiques, dont 11 du parti présidentiel Renaissance.
Les six ministres de droite ont été aussitôt exclus du parti Les Républicains (LR) de Bruno Retailleau qui avait donné pour consigne - contestée par les députés - de ne pas entrer dans l'équipe Lecornu 2.
L'ancienne Première ministre Elisabeth Borne, auteure de la réforme des retraites qu'elle a proposée elle-même de suspendre, laisse sa place à l'Education à l'ex-directeur général de l'Enseignement scolaire Edouard Geffray.
Le locataire de Matignon a lui passé la main aux Armées --poste qu'il occupait depuis trois ans-- à l'ex-ministre du Travail et de la Santé Catherine Vautrin.
- "Fond de tiroir" -
Moins attendu, alors que Sébastien Lecornu ne souhaitait pas s'entourer de personnalités ayant des ambitions présidentielles, Gérald Darmanin a été renommé garde des Sceaux. Il a annoncé se mettre "en congé de (ses) activités partisanes".
Après les prises de distance successives de la droite et de la plupart de ses alliés centristes durant le week-end, le Premier ministre a remercié ceux qui "s'engagent dans ce gouvernement en toute liberté, au-delà des intérêts personnels et partisans".
Ce nouvel exécutif de 34 ministres, beaucoup moins resserré qu'annoncé, a toutefois une durée de vie qui pourrait être limitée.
Le gouvernement "va évidemment tomber", a pronostiqué Jean-Luc Mélenchon lundi, le leader de La France insoumise estimant que les socialistes allaient voter la motion déposée dans la matinée par le groupe LFI.
Le RN a également déposé lundi une motion de censure et votera celle des insoumis - l'inverse n'étant pas vrai.
Le président du parti d'extrême droite Jordan Bardella s'en est pris à un PS qui tente "de se faire acheter" sur les retraites pour ne pas voter la censure d'un gouvernement de "fond de tiroir". A ses yeux, une "victoire symbolique" sur les retraites n'est pas prioritaire sur la dissolution réclamée par "une majorité de Français".
A.Foglio--INP