
Belarus : l'opposant Tikhanovski appelle Trump à faire libérer les prisonniers politiques

L'opposant bélarusse Sergueï Tikhanovski, sorti de prison à la suite d'une médiation de Donald Trump, a estimé dimanche que le président américain avait le moyen de faire libérer "d'un seul mot" les prisonniers politiques de son pays.
"Le président Trump a maintenant le pouvoir et l'opportunité de libérer tous les prisonniers politiques du Belarus d'un seul mot, et je lui demande de le faire, de prononcer ce mot", a déclaré M. Tikhanovski.
A l'été 2020, cet homme 46 ans avait été au coeur du grand mouvement de contestation contre la réélection du président Alexandre Loukachenko, au pouvoir depuis plus de 30 ans. Des protestations que ce dernier avait écrasées dans la violence.
L'épouse de M. Tikhanovski, Svetlana Tikhanovskaïa, s'était lancée en politique après l'arrestation de son mari, devenant la principale figure de l'opposition bélarusse en exil.
Libéré après plus de cinq ans de détention dans des conditions très strictes, M. Tikhanovski est apparu dimanche ému et le visage émacié, lors d'une conférence de presse à Vilnius, en Lituanie.
Sa remise en liberté, en même temps que 13 autres prisonniers politiques, est intervenue grâce à une médiation américaine, en plein rapprochement diplomatique entre Washington et la Russie, qui est le soutien principal du pouvoir au Bélarus.
Quelques heures avant ces libérations, M. Loukachenko et l'émissaire américain Keith Kellogg s'étaient rencontrés à Minsk, la visite au plus au niveau pour un officiel américain dans cet Etat depuis des années.
Samedi, la porte-parole de M. Loukachenko, Natalia Eismont, a confirmé que ces libérations avaient eu lieu à la demande de Trump.
- "Complètement isolé" -
Selon l'ONG de défense des droits humains Viasna, près de 1.200 prisonniers politiques se trouvent toujours dans les geôles du Bélarus, un pays d'Europe de l'Est soumis à de lourdes sanctions occidentales par la répression de la dissidence et son soutien apporté à l'invasion russe de l'Ukraine.
En janvier 2025, le président Alexandre Loukachenko a remporté un septième mandat avec plus de 87% des voix, lors d'un scrutin qualifié de "mascarade" par l'Union européenne.
Dimanche, M. Tikhanovski a, lui, assuré qu'il avait l'intention de rentrer un jour dans son pays : "Oui, mais quand, je ne sais pas encore."
"J'ai passé plus de cinq ans seul dans une cellule à l'isolement... J'étais complètement isolé. J'ai très peu d'informations et j'essaie maintenant de rattraper beaucoup de choses", a-t-il raconté.
Après son incarcération en mai 2020, son épouse Svetlana Tikhanovskaïa, qui n'avait pas d'expérience politique, avait repris son flambeau et mobilisé les foules lors de sa campagne électorale.
M. Loukachenko avait remporté la présidentielle d'août 2020, avec officiellement 80% des voix. Des dizaines de milliers de personnes ont ensuite manifesté, pendant des semaines, contre sa réélection, dénonçant des fraudes massives.
Les autorités ont maté le mouvement avec des milliers d'arrestations, tortures et condamnations. En 2021, M. Tikhanovski avait reçu une peine de 18 ans de prison pour "organisation d'émeutes" et "incitation à la haine", puis à 18 mois supplémentaires pour "insubordination".
- "Notre combat" -
Dimanche, il a été rejoint lors de sa conférence de presse par son épouse, qui mène depuis cinq ans l'opposition en exil, rencontrant des dizaines de responsables internationaux.
"La leader de l'opposition est Svetlana Tikhanovskaïa, mon épouse. Je n'ai pas l'intention d'avoir des prétentions à ce niveau", a souligné M. Tikhanovski.
Pour sa part, Mme Tikhanovskaïa, qui, comme de nombreux opposants bélarusses, vit en exil en Lituanie, a parlé de retrouvailles "incroyablement émouvantes" après ces longues années de séparation.
"Il est vivant et nous sommes à nouveau ensemble et nous restons engagés dans notre combat", a-t-elle déclaré dimanche, tout en remerciant l'administration américaine pour "ses efforts inlassables".
D'autres grandes figures de l'opposition, comme l'ex-banquier Viktor Babaryko, la musicienne Maria Kolesnikova ou le militant des droits humains Ales Bialiatski, prix Nobel de la Paix, sont, elles, toujours emprisonnées.
Mentionnant les près de 1.200 prisonniers politiques incarcérés au Bélarus, dont certains "incommunicado depuis plusieurs années", des rapporteurs de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe ont appelé dimanche à la libération.
"Leur place n'a jamais été en prison", ont-ils affirmé, dans un communiqué.
H.Zampino--INP